Ostéopathie et cancer : valoriser la complémentarité
Du dépistage aux soins post-traitements
Par Guy Roulier D.0., ancien MK DE
L’ostéopathe qui est un biomécanicien ne soigne pas le cancer lui-même, mais il peut soigner les patients atteints du cancer et surtout les aider à mieux récupérer après un traitement chirurgical, radiothérapique ou pour les effets secondaires de la chimiothérapie.
De plus, et cela mérite d’être souligné, l’ostéopathe peut aussi participer au dépistage et donc à la prévention. De par la finesse de son toucher, il n’est pas rare que l’ostéopathe décele une anomalie des tissus et d'orienter précocement le patient vers le spécialiste en cas de doute sérieux. Dans ces cas, il permet ainsi au patient de gagner un temps précieux et de changer positivement le pronostic vital par la mise en place d’un traitement précoce s’il s’avère qu’il s’agit d’une tumeur cancéreuse.
Mon expérience personnelle démontre l’intérêt majeur d’une étroite collaboration entre l’ostéopathe et le corps médical pour le dépistage du cancer et le traitement des séquelles chirurgicales, radiothérapiques ou chimiothérapiques.
Voici les faits.
Un matin, en me rasant, je décèle une petite tuméfaction au niveau du cou, juste sous l’angle de la mâchoire.
Le lendemain et les jours suivants, la tuméfaction augmente de volume, une petite boule devient perceptible en profondeur, indolore et peu mobile. Je pense d’emblée à un problème de dent ou de gorge, mais aucun signe particulier, aucune douleur, aucune gêne, aucune fièvre n’évoquent une quelconque infection ou inflammation.
J’en parle à mon médecin. Son examen palpatoire ne révèle a priori rien d’inquiétant. Je le revois 8 jours, puis 15 jours après.
La tuméfaction semble ne plus progresser et plutôt stagner. Le volume de la boule se stabilise mais mon expérience d’ostéopathe me fait suspecter un problème plus grave qu’une simple réaction ganglionnaire d’origine infectieuse. Pourquoi ? Tout simplement parce que la boule en question n’a pas une mobilité normale ; elle semble accrochée, collée aux tissus voisins. A mon avis il s’agit d’une inflammation indolore soit des parotides, soit d’un ganglion de la chaîne latérale du cou (adénopathie). Je soupçonne inconsciemment un problème grave auquel je n’ose pas vraiment croire mais qui est plausible étant donné mes antécédents familiaux. Mon père est en effet décédé à 63 ans des suites d’un cancer du foie et mon grand-père paternel est décédé à 52 ans de cause inconnue.
Pourtant j’ai tous les atouts pour vivre vieux et en bonne santé. Ma mère vient de fêter ses 100 ans et a toujours bon pied bon œil, observant une discipline alimentaire exemplaire et suivant depuis 30 ans un programme anti-âge qu’elle applique scrupuleusement (voir ici et ici). Je ne suis ni fumeur ni buveur. J’ai arrêté définitivement de fumer le jour où ma femme est tombée enceinte de mon fils Alexis, il y a 34 ans.
Si l’hygiène de vie suffit à mettre à l’abri des affections cancéreuses, je suis paré pour devenir moi aussi centenaire et en bonne santé ! Mais cette épée de Damoclès que constitue mon patrimoine héréditaire paternel me taraude et me fait douter de la bénignité de mon « petit problème » de ganglion inflammé.
Un bilan biologique complet a d’ailleurs été effectué il y a quelques semaines et les résultats sont parfaits : tous les paramètres sont impeccables j’ai la biologie d’un sujet de 20 ans de moins (je suis dans ma 65e année).
Devant mon inquiétude, mon médecin traitant me conseille d’effectuer une échographie et me recommande une radiologue chevronnée.
A l’issue de l’échographie, cette dernière me confirme qu’il ne s’agit pas des parotides mais bien de l’inflammation d’un ganglion de la chaîne latérale qu’il convient, par précaution, de faire analyser sans tarder. Je suis à la fois rassuré et inquiet car je n’ai aucun signe local d’infection.
Je décide de consulter un chirurgien ORL qui m’a été chaudement recommandé pour sa compétence afin d’effectuer non pas une simple ponction, mais une biopsie du ganglion.
Le matin de l’intervention, le chirurgien, me palpant le ganglion, me demande si je veux vraiment me faire opérer car il sent l’adénopathie moins grosse. J’aurais une balafre de 10 cm le long du cou peut-être pour rien. Mon choix est vite fait. Je lui réponds que vu mes antécédents familiaux, je préfère qu’il m’opère préventivement, par sécurité.
L’opération est donc effectuée le 26 février 2010. Nous sommes le vendredi, je dois reprendre mes consultations au cabinet le lundi.
Je me réveille avec un beau pansement sur le cou, des douleurs dans les joues et la langue ainsi qu’une gêne à la gorge mais je n’y prête pas attention, considérant qu’il s’agit de suites normales.
Dans la journée, je demande à l’infirmière comment s’est passée l’opération. Elle ne peut rien me dire, précisant simplement que les prélèvements sont à l’analyse et que le chirurgien viendra me voir dès sa sortie de la salle d’opération.
Le chirurgien ne revient me voir que vers 7 h du soir. Il s’assoit et m’annonce le résultat des analyses.
Le ganglion analysé au cours de l’intervention est cancéreux, il s’agit d’une métastase. Il a dû en chercher l’origine et pour ce faire il a effectué des biopsies (prélèvements d’échantillons) dans l’ensemble des tissus de la région : joues, langue, amygdales, pharynx etc.
Le diagnostic tombe : vous avez un carcinôme épidermoïde de la base de langue à droite et il faut vous opérer rapidement car il s’agit d’un cancer rapidement invasif.
Je ne veux pas y croire. Mais instantanément, j’ai pris ma décision. Je vais me faire opérer et m’en sortir, reprendre mon travail - qui est toute ma vie - dans les meilleurs délais.
Le scanner effectué aussitôt révèle une tumeur importante de 25 mm de long mais encore bien circonscrite.
Une réunion de spécialistes analyse mon cas et préconise une ablation chirurgicale large suivie de radiothérapie. La chimiothérapie n’est pas indiquée dans ce type de cancer.
Nous prenons rendez-vous pour dans 1 mois, le temps pour moi de trouver un remplaçant pour un minimum de 6 mois.
L’opération dure 3 h. Quinze jours de soins intensifs avec trachéotomie, perfusion et sonde nasale pour la réalimentation et 15 jours de soins avant le retour à la maison.
Dès la cicatrisation effectuée, je subis 24 séances de radiothérapie pour tuer d’éventuelles cellules cancéreuses résiduelles.
Neuf mois de convalescence pour réapprendre à m’alimenter avec une paille pour éviter les fausses routes exténuantes et angoissantes, réapprendre à parler, pour reprendre du poids et des forces et être capable de reprendre mes consultations.
Pour récupérer, je suis suivi par des praticiens remarquables avec lesquels je fais équipe pour récupérer au plus vite : orthophoniste, kinésithérapeute, ostéopathe, dentiste, pneumologue, médecin homéopathe pour le traitement mésothérapique de l’œdème local et des cicatrices toxiques et produits naturels pour stimuler les défenses immunitaires,…
Pour récupérer les 15 kg perdus et me réalimenter de façon confortable, j’en profite pour expérimenter des formulations nutritionnelles naturelles, liquides (je ne supportais pas les aliments solides qui me provoquaient des toux réflexes exténuantes et désagréables pour l’entourage).
La technique de réalimentation liquide que j’ai mise au point est à la fois simple et peu coûteuse. Elle est à base de produits frais et bio, basée sur un mélange de bananes (6 par jour), œufs crus, farines pour bébés, laits (animal et végétal), jus de fruits et légumes crus. Je continue à utiliser cette « potion » nutritionnelle tous les jours, en sus d’une alimentation plus diversifiée (voir ici).
Aujourd’hui, cela fait trois ans que le cancer a été détecté et mes médecins me considèrent comme guéri.
Ce que je ne vous ai pas dit c’est que dans ce type de cancer, la survie n’est statistiquement que de 30% à 3 ans ! Le cap est passé, je commence à refaire des projets, à penser au futur, ce que j’avais complètement occulté depuis la révélation de mon cancer.
Mon arrêt a duré 9 mois. A ce jour, je continue mes consultations à un rythme moins soutenu et n’ai aucune intention de prendre ma retraite avant de nombreuses années.
J’ai retrouvé la forme et mon expérience peut et doit servir d’exemple à celles et ceux qui traversent le même type d’épreuve.
Ma chance a été d’être ostéopathe, d’avoir su détecter une anomalie à la simple palpation et d’avoir pu m’orienter sans délais vers la seule solution curative efficace, évitant la prolifération invasive silencieuse qui, sans ce dépistage, aurait eu une issue fatale.
Mon histoire n’a d’intérêt que si elle sert à faire progresser la prévention et le dépistage des cancers. L’information sur la prévention du cancer colorectal est essentielle car elle éduque et responsabilise toutes celles et ceux qui ont un facteur de risque familial (voir ici). Il en est de même pour l’information sur le cancer du sein (voir ici) et le cancer de la peau (voir ici)
Il me semble plus que nécessaire de tenir compte désormais d’un acteur du dépistage de premier rang qui, par son toucher thérapeutique, mérite d’être mis à l’honneur : l’ostéopathe de haut niveau de formation et de compétences, imprégné des principes de la prévention et de la santé durable.
Sollicités par une majorité de patients consultant peu leur médecin, l’ostéopathe de par son approche palpatoire fine est en effet à même de dépister des lésions précancéreuses ou cancéreuses et de pouvoir les adresser immédiatement à un spécialiste.
Ceci est prévu par la réglementation (article 2 du Décret 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie)
Les médecins commencent à réaliser l’intérêt des médecines douces, et notamment de l’ostéopathie, en complément de la thérapie classique des cancers.
Le colloque national consacré au corps à la culture et au cancer qui s’est tenu fin décembre 2012 à Marseille arrive à une constatation qui, pour nous ostéopathes, est depuis longtemps une évidence : les médecines alternatives ont un rôle complémentaire, potentialisant et accompagnant les traitements spécifiques en général et du cancer en particulier (voir ici)
Psychiatre et responsable du département de psychologie clinique à l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille le Dr Patrick Ben Soussan constate que « les gens vont devoir vivre avec la maladie », et qu’ « il faut les aider à retrouver une force de vie ». Il a introduit les pratiques complémentaires dans son établissement depuis plus de huit ans. Pragmatique, il explique que le plus souvent les patients avaient déjà fait « le choix personnel d’y avoir recours » en complément de leur traitement anticancéreux. Aujourd’hui, insiste-t-il, beaucoup en font spontanément la demande. Ils sont « de plus en plus actifs dans la circulation de l’information » et font « eux-mêmes la promotion de ce qui marche bien », dont l’ostéopathie.
L’efficacité spécifique de l’ostéopathie
L’ostéopathie dispensée par des praticiens de haut niveau de formation et de compétences apporte en effet trois avantages :
1) L’ostéopathe, de par sa situation de praticien de première intention, est à même de détecter par sa palpation fine, des signes fonctionnels d’appel indétectables par les examens courants.
2) L’ostéopathe participe à la reprise en main de son corps après les traitements, minimisant les séquelles fonctionnelles des traitements. Il aide le patient à récupérer son intégrité fonctionnelle et agit dans de nombreux domaines : douleurs articulaires et musculaires accompagnant la plupart des cancers notamment par !es traitements chirurgicaux, radiothérapiques ou chimiothérapiques.
3) De plus, le toucher qui constitue l’instrument diagnostique et thérapeutique de l’ostéopathe établit une communication sensorielle avec le patient, le rassurant et l’accompagnant dans sa récupération et la reprise de possession de son corps.
Dans la stratégie thérapeutique des cancers, l’ostéopathie constitue un traitement complémentaire qui accompagne et facilite les traitements curatifs de fond.
Conclusion : il semble qu’enfin, la hache de guerre soit enterrée entre les deux médecines - allopathique et naturelle – pour le plus grand bien des patients. Mais prenons garde aux dérives qui, dans le domaine de la santé sont toujours possibles et faisons appel à des professionnels de la santé à la fois compétents et humains, car le rapport qui doit s’établir entre patient et thérapeute doit être celui d’une synergie basée sur la compétence et la confiance, piliers de la réussite du traitement.
C’est seulement en travaillant ensemble, la main dans la main dans la pluridisciplinarité, que les praticiens des diverses filières de la santé pourront combattre avec le maximum d’efficience les maux de notre époque.
Le patient, complétement et honnêtement informé, prend mieux en charge sa santé. Il participe activement aux traitements, effectue lui-même des recherches pour améliorer leur efficacité et pour se déstresser. Il permet ainsi aux forces vives de son système immunitaire de fonctionner à plein régime et d’optimiser ses chances de guérison ou de prolonger la période de rémission.
Le 5 mars 2013
Livres et sites de référence:
Ostéopathie
« L’ostéopathie deux mains pour vous guérir ». Guy Roulier Ed. Dangles (voir ici)
Santé durable
« Les 12 clefs de la santé durable » ebook Ed. naturemania.fr (voir ici)
Cancer
1) Les médecines complémentaires dans le cancer (voir ici)
2) Passeport santé : L'utilisation des médecines alternatives par les gens atteints de cancer
3) Institut National du Cancer :
http://www.e-cancer.fr/cancerinfo/se-faire-soigner/traitements/medecines-complementaires
4) Fondation pour la recherche médicale http://cancer.frm.org/?gclid=CK7F8PPl5bUCFXDKtAodqxsAYA
Formez-vous à la santé durable : stages intensifs professionnels et pour tous ANGERS/PARIS
www.guy-roulier-formations.com
Formation à la demande pour les associations et entreprises.