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Hormones végétales: ne laissons pas dire n’importe quoi !
Interview du Dr. Bérengère Arnal-Schnebelen
gynécologue et phytothérapeute
La publication d’études américaines incriminant les traitements hormonaux
substitutifs dans les cancers du sein ont profondément modifié le
comportement des femmes vis-à-vis de ces traitements auparavant banalisés.
Certains cancérologues et chirurgiens tels que les Prs Joyeux et Israël ne
se sont pas privés de dire ce qu’ils pensaient de ces substances aux effets
cancérigènes. La vogue des hormones végétales n’ a été qu’une des
conséquences du rejet des traitements hormonaux chimiques et son
développement constant n’a fait que répondre à une attente des femmes
redoutant les effets de la ménopause et satisfaites des résultats obtenus,
sans effets secondaires. Le premier semestre 2004 a été riche en évènements médiatiques et en
actions concrètes : Appel de Paris de 70 scientifiques sur les dangers de la
pollution chimique, premier colloque international « Cancer, société et
environnement » initié par le Pr. Belpomme et l’association ARTAC, adoption
par l’assemblée nationale de la Charte de l’environnement , sortie du livre
d’enquête d’Isabelle Robard et Thierry Souccar « santé, mensonges et propagande ». Le présent article relaie une information diffusée aux professionnels par
l’association AMPP constitue une mise au point et une mise en garde. Le
Docteur Bérengère Arnal-Schnebelen (médecin gynécologue-obstétricien,
responsable du DU de phytothérapie, faculté de médecine Paris 13
vice-présidente de l'AMPP, Association Médicale pour la Promotion de la
Phytothérapie) nous a donné son sentiment sur ce problème très actuel.
Guy Roulier : Docteur Arnal-Schnebelen, vous avez vivement réagi suite à
certains articles concernant les phyto-estrogènes et à l’amalgame qui est
fait entre les traitements chimiques et les traitement à base de plantes.
Pouvez-vous nous expliquer comment les choses se sont réellement passées ?
Dr. B. Arnal-Schnebelen :
« Faisant suite aux communiqués de l'AFSSAPS (Agence Française de Sécurité
Sanitaire des Produits de Santé) émis dès le 20.07.02 et à l'audition
publique du 27.04.04 concernant le traitement hormonal substitutif de la
ménopause (THS), des recommandations communes de l'AFSSAPS et de l'ANAES,
Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé ont été diffusées
auprès des professionnels de santé et du grand public dans un rapport rendu
public le 11.05.04. Ce travail tentait de faire un point objectif sur les indications et les
dangers liés à la prise d'oestrogènes seuls ou d'oestrogènes associés à des
progestatifs (progestérone micronisée ou progestatifs de synthèse).
G.R .:Quand les premiers doutes ont-ils été émis et par qui ?
Dr. B.A.-S. : « L'histoire a démarré en 1997 avec la meta-analyse du Lancet mettant en évidence une discrète augmentation du cancer du sein sous THS.
Les études américaine WHI en juillet 02 et anglaise MWS en août 03, ainsi
que les pré-résultats de l'étude MGEN diffusés en mai 04 ont confirmé cette
information. Les journalistes ont relayé les recommandations de ce rapport
du 11.05 (dont 12 messages-clé à destination des femmes) et continué à faire appel à la
prudence. On peut toutefois, se demander si certains l'ont fait en toute objectivité,
quand on lit dans un grand quotidien national, en sous-titre de l'article :
"l'AFFSAPS et l'ANAES, deux agences sanitaires, se refusent à condamner les
THS" et en dernier paragraphe " le rapport déconseille avec force, les
phyto-oestrogènes (dérivés de soja) pour lutter contre les bouffées de
chaleur", assimilant les risques de ces derniers à ceux des oestrogènes...
G.R. : Effectivement il ne s’agit plus d’information mais de brouillage de
cartes. Il s’agit soit d’incompétence du journaliste ou d’une désinformation
volontaire. Dans les deux cas il n’honore pas sa profession. Mais quelles
sont les véritables conclusions des experts indépendants à ce jour ?
Dr. A-C. : Les conclusions des experts à ce jour ? En résumé et pour ce
qui concerne uniquement le cancer du sein: si le risque d’accroissement
de l’incidence du cancer du sein semble peu élevé avec des ¦strogènes seuls,
il est de toute évidence plus important en cas d'association avec des
progestatifs. Il l'est moins avec de la progestérone micronisée qu'avec des
progestatifs de synthèse. Mais la prise d' oestrogènes seuls augmente le
risque de cancer de l'endomètre (utérus), ce risque est compensé par l'ajout
de progestatifs... Faudrait-il donc que toutes les femmes soient
hystérectomisées pour avoir le droit de prendre des oestrogènes seuls à la
ménopause et alors, courir moins de risques de cancer du sein !
G.R. : Quels raisonnements ont abouti à ces conclusions ?
Dr. B.A-S :Deux raisonnements peuvent être appliqués en toute logique :
1° on déconseille "avec force" la prise de phyto-estrogènes car pouvant
"présenter les mêmes risques que les oestrogènes. La fiabilité de ces
produits n'est pas garantie et leur sécurité n'a pas été évaluée" dixit le
rapport.
Mais il y a lieu de s'étonner à double titre :
- une contradiction peut être mise en évidence : si les
phyto-oestrogènes sont aussi dangereux que les oestrogènes seuls et sont à
déconseiller, "avec force", pourquoi dans ce rapport officiel, conseiller
alors, la prise d'oestrogènes seuls ?
- cette réflexion officielle commune de l'AFFAPS et de l'ANAES concernait
uniquement les indications et risques liés au THS et ne consistait pas à
établir un rapport d'expertise sur des thérapeutiques naturelles de
remplacement, en l'occurrence les phyto-oestrogènes (isoflavones) de soja.
Leurs limites, indications et contre-indications ont largement été diffusées
et sont encore en cours d'expertise à divers niveaux. Les experts appelés à
s'exprimer lors de l'audition publique d'avril 04 ont été réunis pour parler
du THS et ne sont pas habilités à porter conclusion sur l'intérêt ou non des
phyto-oestrogènes en remplacement du THS.
Pourquoi discréditer sans fondements scientifiques la prescription de
phyto-hormones, qui sont de l'avis des femmes et des médecins avisés, une
alternative intéressante au THS ?
2° si l'association de progestatifs de synthèse aux oestrogènes présente un danger accru, pourquoi alors ne pas poursuivre le raisonnement et appliquer
les mêmes consignes de prudence à la pilule contraceptive
oestro-progestative elle aussi et aux progestatifs de synthèse prescrits
seuls, dans les fibromes, mastoses, kystes de l'ovaire, pré-ménopauses,
voire à visée contraceptive, eux aussi...
G.R. : Evidemment ! Le raisonnement scientifique et la protection de la
santé marquent le pas sur les intérêts économiques, là comme ailleurs ! Mais
quelles ont été les réactions des femmes suite aux diverses études publiées
?
Dr. B.A-S : « Un tiers des femmes sous THS ont cessé leur traitement depuis
la publication des études américaine et anglaise. Certes l'étude américaine
présentait de nombreux biais( erreurs dans la méthode d’étude) et ses
résultats peuvent être discutés. Mais les études anglaise et française
confirment indiscutablement un risque plus élevé de cancer du sein.
Il faut rappeler que le cancer du sein touche une femme sur neuf en France,
c'est énorme. Ceci est un vécu quotidien pour chacun d'entre nous. Nous
avons tous et toutes une amie, une collègue, un membre de la famille qui a,
a eu ou va avoir un cancer du sein. Il ne faut pas minimiser le danger de ce
cancer, dont on ne guérit pas si aisément. Autour de nous encore, qui n'entend pas
parler de rechute, de récidive, de métastases et de décès par cancer du sein
? et dans quelles conditions terribles de déchéance physique et psychique ?
G.R. : Pourquoi les médecins et scientifiques opposés aux hormones de synthèses ne publient-ils pas leur point de vue ? `
Dr.B.A-S : « Quel journal, quels journalistes oseront reprendre les termes du
Pr Lucien Israël, éminent cancérologue, publiés dans la préface du livre
"Amère Pilule" du Dr Helen Grant en 1990. Il parle des hormones de synthèse,
oestrogènes et progestatives : "S'agissant d'autres domaines de la médecine,
il est vraisemblable que des produits entraînant de telles conséquences,
n'auraient jamais reçu l'autorisation de mise sur le marché. Des phénomènes
culturels et politiques ont influencé les décideurs. Même s'il apparaît
presqu’impossible aujourd'hui de bannir les pilules contraceptives, qu'au
moins la vérité soit dite. Qu'au moins, les choix des très jeunes femmes qui
décident de les utiliser ne soient pas faits dans l'ignorance"
GR. : Cette citation date de près de 15 ans. Les choses ont dû changer
depuis ?
Dr.B. A-S : « Rien n'a changé en 2004, les intérêts en jeu sont toujours aussi
considérables.
Et à la question de savoir si les progestatifs augmentent les risques de
cancer du sein avant et après ménopause, le Pr Lucien Israël dit en 1993
dans son livre, Le Destin du cancer "...en tous cas et sous bénéfice
d'inventaire, c'est-à-dire peut-être d'études prospectives comparatives, la
prescription prolongée de progestéroniques isolés pour syndrome
prémenstruel, congestion mammaire, mastoses diverses, terrain familial à
risque, fibrome utérin, voire dans le suivi de cancers du sein, devrait
absolument cesser... Nous ne pouvons qu'inciter les lecteurs de cet article,
à recourir aux sources mentionnées, dans l'espoir qu'ils se convaincront
rapidement de réviser leurs idées préconçues. Quant aux médecins
prescripteurs, et ceci malgré l'absence de
certitude, mais en raison du principe de précaution, il leur faut se montrer
aussi économe de progestérone que d'oestrogènes, d'abord dans les situations
à risque, mais même dans celles qui ne le paraissent pas l'être et au cours
desquelles, à la longue, un effet néfaste pourrait être induit."
G.R. : Mais qu’est-ce qu’il y a donc derrière tout cela ? Intérêts,
mauvaises habitudes, ignorance voire paresse intellectuelle?
Dr. B.A-S. : « Derrière tout cela, ne faut-il pas voir la puissance gigantesque des intérêts financiers en jeu, sans parler de la pratique au quotidien des
gynécologues qui ne savent, pour la plupart, pas faire autrement que prescrire des hormones de synthèse ? Des gynécologues eux-mêmes, sont influencés par les laboratoires, par les medias...Certains gynécologues ont
pu, le même mois de décembre 2003, écrire dans deux publications différentes
concernant l'après-THS : je suis "partisan d'une abstention thérapeutique
totale", et dans la seconde publication, "on peut dire qu'à ce jour,
l'administration d'isoflavones de soja semble être une des alternatives au
THS parmi les plus intéressantes". Qui croire ?
Un grand nombre de gynécologues français ont adopté l’idée d’un arrêt du THS
suivi d’une abstention thérapeutique. Ainsi, ce serait les femmes elles-même
qui reviendraient leur demander de reprendre un THS, car trop invalidées par
la reprise de signes climatériques. La prescription ne serait alors plus
sous leur responsabilité (juridique) mais du fait même des patientes, en cas
de problème ultérieur...
G.R. : En conclusion, que doivent faire les femmes ?
Dr.B.A-S : Comment voulez-vous que les femmes s'y retrouvent ? Beaucoup
continueront à faire comme elles l'ont toujours fait, suivre leur instinct,
se méfier de la chimie, la réserver pour les cas graves et préférer au
quotidien, des thérapeutiques naturelles, bien évaluées dans leurs limites, dans le cadre
d'une alimentation biologique si possible, variée, privilégiant fruits et
légumes. Car comme le disait Hippocrate, « la nourriture sera notre première
médecine ». La prévention par l'alimentation mais aussi par la prise minimale de
molécules de synthèse tout au long de la vie, doit rester une priorité de
santé publique en matière de cancer et plus particulièrement pour ce qui
concerne le cancer du sein chez la femme ».
G.R. : Un grand merci au Docteur Bérengère Arnal-Schnebelen pour ces informations à la fois précieuses, claire et surtout indépendantes. Pour en
savoir plus, je conseille son livre « La ménopause » aux éditions Privat
et “Ce qui marche, ce qui ne marche pas”, co-auteurs Pr. M. Paris, Bérengère Arnal-Schnebelen, Jean-Charles Schnebelen et Patricia Bareau .
Prochain article-interview :
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